La start-up américaine Surgisphere, fondée par le Dr Sapan Desai a fourni et analysé les données sur lesquelles des chercheurs se sont appuyés pour évaluer l’efficacité des controversées chloroquine et hydroxychloroquine contre le Covid-19. L’étude parue dans The Lancet ont notamment incité l’OMS à suspendre les essais sur ces médicaments et le gouvernement français à limiter l’usage des médicaments concernés.
Que sait-on sur Surgisphere ?
Cette Start-up fondée en 2008 par le Dr Sapan Desai, chirurgien vasculaire, était totalement inconnue avant sa participation à l’étude sur la chloroquine publiée dans The Lancet. Elle défraie aujourd’hui la chronique et suscite une grande défiance car soupçonnée d’avoir fourni des jeux de données entièrement falsifiées aux chercheurs qui ont validé l’étude et dont les trois quart se sont aujourd’hui rétractés.
Surgisphere a d’abord commercialisé des manuels de médecine. Son fondateur devient ensuite éditeur d’une revue médicale : Journal de radiologie chirurgicale. En 2012, Sapan Desai collabore avec l’université du Texas de Houston pour marcher dans les traces d’Elon Musk. Son projet baptisé « Flux neurodynamique » (un bonnet à électrodes destiné à stimuler le cerveau) récoltera trois soutiens et 311 dollars.
L’entreprise réapparaît 8 ans plus tard durant la pandémie de Covid-19. D’après le Guardian, Sapan Desai a démissionné en février dernier de l’hôpital de la banlieue de Chicago qui l’employait depuis 2016. Surgisphere se positionne alors sur le « big data » et le « machine learning ». En mars, un communiqué de presse circule, vantant son « outil de diagnostic rapide du coronavirus » : un « test très précis », capable d’« identifier les patients susceptibles d’être infectés », « avec une sensibilité de 93,7% et une spécificité de 99,9% ». Surgisphere propose également un « calculateur de risque de mortalité »*, un « score de gravité »* et un « outil d’aide au triage »* des malades. Des outils basiques disponibles sur le site de Surgisphere, dont plusieurs experts mettent en doute la fiabilité selon France Info.
En avril, Sapan Desai cosigne sa première étude sur le Sars-CoV-2. L’article évalue les effets de l’ivermectine, un médicament antiparasitaire que des chercheurs testent comme remède au Covid-19. Début mai, Sapan Desai cosigne une nouvelle étude dans le New England Journal of Medicine, une prestigieuse revue médicale américaine. Les auteurs étudient le lien entre la mortalité liée au Covid-19 et les maladies cardio-vasculaires préexistantes chez les malades.
Fin mai, Sapan Desai cosigne un dernier article sur les effets de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine publié dans The Lancet, la référence britannique des revues scientifiques médicales. Les auteurs des trois études se sont depuis rétractés, face au déluge de critiques et à l’impossibilité d’y apporter des réponses.
Comment les données ont-elles été collectées ?
A chaque fois, Surgisphere a fourni la base de données et s’est chargée de son analyse. Les deux premières études portaient sur les données de patients de 169 hôpitaux d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Nord. La troisième bat les records un mois plus tard seulement, avec plus de 96 000 dossiers médicaux en provenance de 671 hôpitaux sur six continents.
Contacté par franceinfo, Sapan Desai fournit une explication. Sa société, déclare-t-il, propose à ses clients un logiciel d’apprentissage automatique et d’analyse de données destiné à améliorer leur gestion, dénommé QuartzClinical. En échange, l’accord commercial donne le droit à l’entreprise d’intégrer dans sa base de données les informations contenues dans les dossiers médicaux anonymisés des patients de ces hôpitaux. Surgisphere dispose ainsi « d’une base de données en temps réel de plus de 240 millions de consultations de patients anonymes provenant de plus de 1 200 organisations de soins de santé dans 45 pays ». Une base de données dont Sapan Desai défend l’« intégrité ».
Pourquoi cette collecte interpelle t-elle la communauté scientifique ?
La communauté scientifique internationale travaille depuis plusieurs années sur des systèmes de collecte automatique de données anonymisées et la plupart des chercheurs et startupers reconnaissent la difficulté de la tâche. La facilité et la rapidité avec laquelle Surgisphere a collecté ces données à l’échelle internationale parait donc suspecte.
Par ailleurs, même si les règlementations sur la protections des données de santé diffèrent d’un pays à l’autre, la collecte de données médicales nécessite certaines autorisations et garanties qui prennent du temps à obtenir. Ces délais semblent peut compatibles avec l’urgence dans laquelle l’étude menée par Surgisphere a été menée.