L’impression 3D constitue l’une des innovations les plus prometteuses du XXIe siècle. Son utilisation en médecine alimente tous les fantasmes et inspire plusieurs programmes de recherche dans le monde. Pour autant, si la bio-impression est déjà utilisée pour les tests de produits ou la production à moindre coût de prothèses orthopédiques, la transplantation d’organes bio-imprimés sur des êtres humains se heurte encore à certains obstacles.
Impression 3D et biotechnologie
L’impression 3D repose sur deux principes. D’une part, elle est pilotée par un ordinateur, ce qui permet de réaliser des pièces uniques et sur mesure. D’autre part, elle fonctionne par ajout de matériel : l’imprimante ajoute couche après couche des matériaux jusqu’à former un objet en trois dimensions, contrairement à l’usinage d’une pièce qui repose sur l’élimination de matière (on part d’un bloc de matière que l’on taille jusqu’à obtenir la forme voulue). L’impression 3D peut utiliser comme « encres » des plastiques, des résines polymères, des céramiques, ou encore des métaux comme le titane.
La bio-impression consiste à utiliser du matériel vivant, le plus souvent des cellules, en lieu et place des encres. En utilisant une imprimante 3D, il est aujourd’hui possible d’obtenir des tissus vivants complexes comme de la peau, du cartilage, et même du tissu hépatique. Pour cela, on utilise plusieurs toners, sortes de « cartouches » qui renferment différents types de cellules et des molécules, comme des protéines, indispensables à la cohésion des cellules entre elles.
La fabrication de prothèse sur mesure
L’impression 3D, par le caractère sur mesure des produits qu’elle permet de créer est un atout précieux dans la fabrication de prothèses orthopédiques.
Dans ce domaine, on mentionnera la belle initiative de l’association E-nable, créée en 2014 aux Etats-Unis par Jon Schull, et qui rassemble plus de 5000 makers bénévoles qui créent des modèles de prothèses imprimables en 3D. Tous les modèles sont open-source et disponibles sur Thingiverse. Leur action a permis ainsi à des centaines de personnes handicapées, aux revenus modestes, de bénéficier de prothèse imprimées en 3D moins couteuses (une main standard coûte moins de 50 euros à produire) que les prothèses traditionnelles.
Les scientifiques de Lyon I et des médecins des HCL ont créé en 2016 sur le campus LyonTech-La Doua une plateforme d’impression en 3D de dispositifs médicaux pour la recherche. Parmi les études déjà bien avancées, l’impression de prothèses 3D pour la reconstruction orbitaire a déjà bénéficié à une quinzaine de patients. Cette unité fabrique des prothèses, de la peau, du cartilage ou encore des os en 3D.
Fabriquer des répliques pour préparer des interventions complexes
Une équipe de chirurgiens de l’hôpital de Louisville aux États-Unis a récemment fabriqué une réplique du cœur malformé d’un bébé de 14 mois. Objectif pour les chirurgiens : s’entraîner sur une maquette avant d’opérer l’enfant. Au CHU de Montpellier, le Pr Samir Hamamah et ses collègues ont modélisé, avec une imprimante 3D, des embryons humains créés par fécondation in vitro (FIV). Cela permet aux cliniciens d’observer l’embryon sous tous les angles, pour sélectionner les plus viables afin de les implanter dans l’utérus et augmenter les chances de succès de la FIV.
Des organes imprimés en 3D
18 personnes par jour qui décéderaient faute d’avoir obtenu un organe viable à temps. L’impression 3D d’organe constitue donc un enjeu majeur pour la médecine du XXIe siècle. Aujourd’hui, la bio-impression sert essentiellement la recherche ou l’industrie cosmétique en permettant les tests de produits sur des échantillons de peau bio-imprimés.
Il est aujourd’hui possible d’aider le corps à reconstituer des organes en implantant des sortes d’échafaudages en biomatériau synthétique, adaptés à la morphologie du patient, qui sont ensuite colonisés par des cellules. On a ainsi créé des portions de cartilage et même des vessies complètes, implantées par la suite chez des patients.
La bio-impression de peau
Il est possible désormais de bio-imprimer des modèles de peau simplifiés avec seulement les deux couches superficielles. Il est plus facile d’imprimer de la peau qu’un organe car celle-ci n’a pas de système de vascularisation propre au moment de la bio-impression. Elle bénéficiera de la vascularisation sous-jacente du receveur.
Les bioencres contiennent des cellules du derme, les fibroblastes. Une fois “imprimées” et placées en culture, celles-ci s’organisent en réseaux. En leur ajoutant des kératinocytes, cellules de l’épiderme, on obtient en vingt jours un échantillon de peau complet et fonctionnel.
Grâce aux banques de cellules disponibles auprès des hôpitaux ou des chirurgiens esthétiques, il est possible de reconstituer des peaux asiatiques, stressées, jeunes, matures, plus ou moins pigmentées…
Delors, il est possible d’envisager d’ici une dizaine d’années l’utilisation de la bio-impression en médecine régénérative pour soigner les grands brûlés, en imprimant directement de la peau sur leur corps après avoir extrait leurs cellules tissulaires par biopsie, et scanner les plaies à régénérer.
La bio-impression d’organe
En 2014, la société de bio-impression Organovo, basée à San Francisco, a annoncé avoir réussi à créer un foie humain doté d’une bonne viabilité cellulaire. Mike Renard, vice-président exécutif commercial de la société, déclarait alors » Nous avons atteint des épaisseurs de plus de 500 microns, et avons maintenu les tissus du foie dans un état entièrement fonctionnel avec le comportement phénotypique natif pour au moins 40 jours « . Cela suppose que l’organe se comporte comme un véritable foie humain, et que les chercheurs ont réussi à recréer les éléments nécessaires au fonctionnement de l’organe : les fibroblastes et les cellules endothéliales, qui ont pu développer un début de réseau vasculaire nécessaire à la viabilité de l’organe.
Néanmoins le foie réalisé par Organovo ne peut être greffé chez un être humain. Il sera utilisé uniquement en laboratoire à des fins de recherches médicales et de nouveaux médicaments. Il s’agit tout de même d’une avancée importante car le foie peut être maintenu vivant assez longtemps pour se comporter comme un vrai organe humain.
La recherche dans l’impression 3D d’un organe parfaitement fonctionnel et opérationnel ne s’arrêtera pas là, et elle est même encouragée par l’association à but non-lucratif américaine Methuselah Foundation, qui a promis une récompense d’un million de dollars au premier qui arriverait à un tel résultat.
La bio-impression d’oreille
Une oreille a été greffée sur une souris et s’est développée normalement. Elle a été fabriquée grâce au procédé de l’Itop (Integrated Tissue-Organ Printer), l’impression par l’intermédiaire d’imprimantes 3D des organes nécessitant une structure et une alimentation par des vaisseaux sanguins.
Un coeur bio-imprimé
Alors que le médecine régénératrice a d’ores-et-déjà connu certains succès pour le remplacement de structures tubulaires comme des trachées, des oesophages ou encore des vaisseaux sanguins, son application pour des organes plus complexes tels que le rein, le foie ou le coeur (les trois organes les plus demandés en vue d’une transplantation) semble bien plus délicate. En effet, créer un coeur consiste à assembler des dizaines de types cellulaires correctement, de retrouver une vascularisation compatible avec la survie et la croissance de l’organe. Enfin et surtout ce dernier doit être fonctionnel et idéalement pour la durée d’une vie entière.
Selon une étude publiée début 2016 dans la revue Circulation Research, une équipe du Massachusetts General Hospital –l’hôpital de la faculté de médecine de Harvard–, a réussi a (re)générer un cœur humain quasi transplantable.
En vidant l’organe d’un donneur de ses cellules les plus dangereuses en matière d’histocompatibilité, les chercheurs ont conçu une armature-matrice conservant les structures essentielles d’un cœur fonctionnel, avant de la repeupler par les cellules souches du receveur, générées à partir de cellules cutanées.
Cette technique était déjà utilisée deux ans auparavant mais sur la base d’un coeur de porc traité pour recevoir les cellules humaines du receveur.