Issue de l’Inria de Sophia Antipolis et Cofondée en 2013 par les chercheurs Olivier Clatz et Pierre Fillard, Therapixel a le vent en poupe : pépite française de l’intelligence artificielle (IA), elle a levé il y a quelques semaines 5 millions d’euros auprès d’Omnes et de M Capital Partners. Ces investisseurs vont donc se joindre aux existants, notamment Région Sud Investissement, ITTranslation et Crédit Agricole.

Le produit phare de Therapixel est sur le point de rentrer en phase de validation clinique : il s’agit de MammoScreen, système d’analyse par IA des mammographies.Ce software s’appuie sur un algorithme puissant à base de réseaux de neurones convolutifs, qui génère moins de résultats faux positifs que ses concurrents (faux positif : lorsqu’il est détecté une tumeur alors qu’il n’y en a pas ; faux négatif : lorsqu’il n’est pas détecté de tumeur alors qu’il y en a une). L’outil avait déjà fait parler de lui en 2017 en remportant le DREAM Digital Mammography Challenge, le plus grand concours d’IA jamais organisé, avec 1 200 participants et un prix de 1,2 million de dollars qui avait boosté son développement.

La fiabilité, le défi du diagnostic du cancer du sein

L’imagerie du sein est l’une des spécialités radiologiques les plus importantes : en effet, une européenne sur 8 sera atteinte d’un cancer du sein au cours de sa vie, et ce cancer demeure le premier en termes de mortalité chez les femmes. Le diagnostic, issu principalement de la lecture d’une mammographie, n’est pas des plus simples, avec seulement 0,5% des clichés contenant des cellules tumorales, contre 10% produisant des faux positifs. Cet écart génère beaucoup d’inquiétudes chez les femmes «faussement diagnostiquées », et des biopsies inutiles. Dans de nombreux pays dont la France, la lecture est ainsi effectuée par deux radiologues différents pour affiner ces taux sans pour autant augmenter les faux négatifs. Un premier radiologue interprète, détecte les éventuelles masses et calcifications et le second confirme ou infirme son évaluation. Mais c’est sans compter le poids considérable de cette pratique dans les dépenses liées aux soins…

C’est ici que Therapixel intervient : une mammographie contient environ 3000 clichés, que l’algorithme d’apprentissage automatique analyse très rapidement. En première étape, le logiciel est meilleur qu’un radiologue en sensibilité, en détectant 75% de vrais positifs contre 70% pour un oeil aguerri (et 92% de spécificité [vrais négatifs] dans les deux cas)

« Notre objectif principal, c’est d’aider la première lecture », explique Pierre Fillard, cofondateur de la startup, qui n’exclut pas cependant que la pratique actuelle soit modifiée à terme par les sociétés savantes, en évitant une deuxième lecture de l’image lorsque le diagnostic est négatif pour le logiciel et le premier radiologue. Therapixel espère valider cliniquement l’algorithme d’ici la fin de l’année, pour le commercialiser dans un premier temps aux États-Unis fin 2020, le marché Européen étant trop segmenté. L’enjeu principal, c’est de permettre à l’IA d’apprendre la lecture des textures, des tailles, de la densité des tissus et d’optimiser la discrimination des images en variant les sources de données. Les résultats cliniques dépendant fortement de la base de données de référence, la validation technique de l’outil reposera probablement sur la détection plus précoce, afin de permettre aux patientes de bénéficier de traitements moins lourds.

Fluid, petit bijou d’ergonomie au bloc opératoire

Lors de la création de l’entreprise en 2013, l’interprétation radiologique n’était pas l’objectif de départ. Il s’agissait de créer Fluid, une application de navigation gestuelle en imagerie médicale. L’atout principal : permettre au chirurgien, au bloc opératoire, d’accéder au dossier d’imagerie du patient sur table, par simple gestuelle, et ainsi s’affranchir des contraintes de stérilité et de contamination des gants en évitant au chirurgien de toucher le matériel informatique. En attendant le lancement MammoScreen, le chiffre d’affaires (2018 : 350k€) de Therapixel repose essentiellement sur Fluid et permet de soutenir l’équipe de 15 personnes, bicéphale puisque basée à la fois à Sophia Antipolis et dans la pépinière Paris Santé Cochin.

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